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Investissements, coopération et nouvelles technologies : les ambitions de la défense néerlandaise
Face à la guerre en Ukraine, aux tensions géopolitiques, au risque de repli isolationniste des Etats-Unis, les voix s’élèvent pour remodeler et renforcer la défense européenne.
Dans ce contexte d’instabilité et d’incertitude, les Pays-Bas ont opéré un véritable virage en matière de défense et d’investissement : le budget qui y est consacré est passé de 8 milliards à 24 milliards d’euros entre 2015 et 2025. Une hausse des dépenses qui s’est en grande partie réalisée sous les gouvernements de Mark Rutte, devenu depuis octobre 2024 secrétaire général de l’OTAN. L’objectif est d’atteindre les 30 milliards d’euros en 2030, ce qui permettrait maintenir le cap des 2% du PIB fixé par l’alliance atlantique.
Des investissements destinés aux nouvelles technologies
Parmi ces investissements figurent ceux destinés à la défense spatiale, ou “5ème force”, notamment par l’intermédiaire du Centre de sécurité spatiale de Breda. Ces annonces se sont concrétisées par un nouveau et solide consortium d'entreprises qui travaillent ensemble pour fournir au ministère de la Défense des satellites dotés de capacités de surveillance spatiale (SSA) et de communication par laser (LaserSatCom). De ces coopérations émergent de nouveaux acteurs significatifs qui s’exportent même à l’international, comme l'entreprise Robin Radar dans la technologie de détection de drones.
Alors que le modèle de la guerre hybride s’impose dans les théâtres de conflits, les Pays-Bas semblent avoir pleinement saisi l’importance de ces technologies dites “légères” : logiciels, cybersécurité, technologies spatiales, systèmes autonomes. Les entreprises françaises disposant d’une expertise dans le domaine devraient y voir une opportunité économique considérable.
Faire fructifier ces opportunités
Casper Hoppe de Clemessy Netherlands BV (filiale du groupe français Eiffage) nous explique en ce sens les deux points primordiaux pour que les entreprises réussissent dans le domaine de la défense néerlandaise.
En premier lieu, il s’agit de comprendre le rôle des instituts de recherche et d'innovation comme TNO, NLR et Marin (l'institut de recherche maritime), ainsi que de saisir l’importance des universités techniques de Delft, Eindhoven et Twente. Il ne faut pas oublier le service ministériel RVO qui apporte son soutien aux entreprises étrangères. Casper Hoppe ajoute : "C'est une longue liste d'organisations à comprendre. Mais cet écosystème est clé, car il agit comme un catalyseur pour créer un élan de coopération avec le ministère de la Défense." Il souligne en outre l’existence d'entreprises bien établies qui opèrent dans ce réseau, telles que S&T, VDL, Demcon ou bien Airbus NL.
Dans un second temps, Casper Hoppe insiste sur la nécessité de coopérer avec ce réseau et de discuter avec l’ensemble des parties prenantes de la chaîne (de l’innovation à la production). Les échanges pourraient révéler le besoin de collaborer avec des partenaires industriels supplémentaires. Ce climat d’affaires favorable ouvre des opportunités pour les entreprises françaises aux Pays-Bas, comme en témoigne le récent contrat pour la livraison de 4 sous-marins tricolores à la Marine néerlandaise.
En effet, Naval Group fournira 4 submersibles à la Koninklijke Marine pour une valeur estimée à 5,6 milliards d’euros. Dans le cadre de cette vente, Naval Group a identifié 300 partenaires potentiels aux Pays-Bas et s’est engagé à coopérer avec les instituts scientifiques et les entreprises locales sur vingt ans. Ce partenariat est un bel exemple des liens forts qui lient nos deux pays et du dynamisme de l’économie de la défense néerlandaise, alors même que le royaume cherche à repenser son autonomie stratégique.
Fonds privés et Europe : les investissements sont décuplés
Outre les investissements publics, les entreprises de capital-risque se mobilisent pour renforcer le marché de la défense. À ce titre, le Néerlandais Keen Venture Partners vient d’annoncer débloquer 125 millions d’euros pour investir dans des start-ups liées à la défense. Même si Damen ou Thales NL (leader européen des radars navals) sont des cadors du secteur aux Pays-Bas, l’innovation est aussi portée par de nouveaux acteurs. Keen oriente ainsi son discours vers la R&D afin de financer des compagnies qui développent et commercialisent des produits plus furtifs, plus mobiles et surtout moins coûteux.
Pour développer ce nouvel axe d’investissement, Keen a formé un conseil consultatif composé de personnalités telles que Mart de Kruif, ancien commandant des forces terrestres néerlandaises, ou Jaap de Hoop Scheffer, ancien secrétaire général de l'OTAN. Ce conseil consultatif s’appuie sur des experts venus d'Allemagne, de France, d'Italie et du Royaume-Uni et illustre bien le fait que les Néerlandais ont une vision européenne de la défense dans laquelle les entreprises et start-ups françaises ont toute leur place.
Cette conception communautaire de la défense semble être une tendance d’avenir. À ce titre, le Fonds de Défense Européen créé en 2021 prévoit pour cette année un peu plus d’un milliard d’euros d’investissements dans des projets compétitifs et collaboratifs. Au-delà des technologies traditionnelles (mer, terre, air), le FDE dédiera entre autres : 54 millions au cyber, 115 millions au spatial et 93 millions d’euros à la résilience énergétique de la défense.